Berlin : fin du plafonnement des loyers, questions, début de réponses

A propos du plafonnement des loyers:
La loi régionale de plafonnement des loyers a donc été retoquée par le conseil constitutionnel allemand qui considère que cette question est de compétence fédérale.
Cette décision confirme une décision analogue contre un projet de loi de plafonnement des loyers en Bavière proposé par la CSU.
C’est donc maintenant au gouvernement et aux partis au niveau national d’agir.
Le sujet des loyers, du prix du logement, sera donc un sujet des élections de septembre.
En attendant, la situation crée par le conseil constitutionnel est dramatique: en pleine crise pandémique, les locataires berlinois peuvent être exposés à des rattrapages exorbitants de loyers de la part de propriétaires qui ont vécu la journée d’hier comme une victoire, une revanche.
Je conseille aux français de Berlin locataires de se tourner vers une association de protection des locataires
https://www.berliner-mieterverein.de/sprachen/franzoesisch.htm
https://www.mieterschutzbund-berlin.de/
Pourquoi Berlin a longtemps été la capitale la moins chère d’Europe occidentale, et pourquoi a t-elle connue une explosion des prix tant à l’achat et à la location depuis 2010?
Au moment de la réunification, Berlin est un Eldorado immobilier. La ville est alors propriétaire de centaine de milliers de logements, et influe directement sur les prix des loyers. Les planificateurs prévoyant une population de 4,5 Millions d’habitants en 2000, la ville connait un boom immobilier.
Ce boom s’effondrera des la fin des années 90: la population, loin d’augmenter, baisse. De plus, l’Etat cesse les subventions à la ville qui se retrouve à devoir assumer une dette publique héritée exorbitante. Enfin, la CDU berlinoise est impliquée dans un gigantesque scandale de corruption immobilière entrainant la faillite de la banque publique locale. Ce scandale fera tomber le maire CDU et permettra en 2002 la victoire du SPD Wowereit.
La crise immobilière, renforcée par les effets du crash des startups en 2002, entraine la faillite de nombreux requins immobiliers et investisseurs.
Les prix du m2 s’effondrent, les loyers stagnant à un très bas niveau. 2004 est l’année la plus basse: il est alors possible d’acheter à Prenzlauerberg pour moins de 1500€ du m2, comparé à aujourd’hui… 7500€. Les loyers sont proches de 5€ du m2. La population baisse de 3,5 à 3,2M d’habitants.
La ville de Berlin cependant est mise sous pression par les autres régions d’Allemagne à cause de sa dette publique et de son déficit chronique, conséquences de la réunification. La ville va alors vendre le patrimoine dont elle dispose, étranglée par les règles budgétaires fédérales, la règle d’or, et l’austérité que lui impose le gouvernement fédéral.
Des dizaines de milliers de logements vont être vendus à prix très bas, des barres de HLM « rückgebaut » – détruites. On estimait à 200 000 logements le surplus en 2005. En 2009, il n’y a quasiment plus de surplus de logements vides.
La crise financière mondiale de 2008 a été en partie combattue par l’augmentation des liquidités disponibles sur les marchés financiers. Ces liquidités vont s’abattre à partir de 2010 tant sur le marché immobilier berlinois que l’ensemble des autres grandes villes d’Allemagne. Des acheteurs britanniques, danois, des fonds de pension américains consolident dans la pierre berlinoise les liquidités accumulées.
En quelques années, le marché immobilier explose. Les prix du m2 progressent de plus de 300% à l’achat, les nouveaux loyers doublent sur la période 2012 à 2017.
C’est cette spéculation immobilière qui pousse des berlinois loin des quartiers où ils ont grandi, dans un contexte de création d’emplois profitant à des néoberlinois, mieux payés, arrivant du Sud ou de l’ouest de l’Allemagne ou d’Europe. Les français de Berlin présents depuis plus de 10 ans ici se souviennent de ce changement, et sont souvent eux-mêmes obligés de changer de quartier d’habitation.
La population recommence à augmenter, retrouve les 3,5M d’habitants, mais avec beaucoup moins de logements disponibles, la concurrence du RbnB et des locations saisonnières.
La ville de Berlin sera l’une des premières villes à contrôler le RbnB, à en limiter l’extension. Voyant que cela ne suffit pas à ramener les loyers dans des limites acceptables, la ville décide en 2019 le plafonnement des loyers.
La mesure a marché: enfin, les prix sont restés stables pendant deux ans.
L’année 2020 marquée par la crise Covid a vu en plus l’essentiel des aides économiques garantir surtout une chose: que les berlinois, les cafés et restaurants fermés, les baux commerciaux, continuent de payer… leurs loyers.
Il serait dés lors juste que la ville prenne une mesure fiscale confiscatoire sur les revenus locatifs au titre de la solidarité nécessaire en cette période de crise pandémique.
La constitution allemande le prescrit: « être propriétaire donne des devoirs ». Il est temps que les propriétaires immobiliers soient obligés à assumer leurs devoirs.
50 000 berlinois ont signé déjà la pétition pour exproprier les entreprises propriétaires de plus de 3000 logements à Berlin, pour les remettre en gestion communale.


Il est possible de signer ici:
https://www.dwenteignen.de/