Cécile Blanchet se présente

Pour me présenter, je vous propose un texte inédit, écrit en Aout dernier. C’est un cri du cœur, un état des lieux et le fondement de mon engagement dans l’associatif et le politique. 

11 Aout 2020

Les arbres meurent. Dans le jardin de mes parents, les arbres meurent un par un, surtout ceux qui préfèrent l’humidité et les températures moyennes : les bouleaux, les pins, les chênes meurent. Des arbres qui ont entre 50 et 100 ans. Et même les acacias font la gueule. Leurs feuilles se recroquevillent et ils finissent par mourir. Ici ce sont les marronniers et les chênes dans les rues. Même symptômes, auxquels se surajoutent les parasites et maladies. Ils sont tellement faibles qu’ils ne peuvent plus se défendre. On dirait pour un humain que leurs défenses immunitaires sont faibles. Ils sont vulnérables. Bien sûr, on peut replanter d’autres arbres et il faudra certainement changer les essences qu’on plante, trouver celles qui sont adaptées aux canicules et à la sécheresse. Mais il n’est même pas sûr qu’ils arrivent à se développer et c’est tellement triste de voir les arbres mourir1. De les voir souffrir. 

Il fait de plus en plus chaud. Mon père m’a dit cet été que dans le passé, nous vivions aussi des épisodes de canicule mais nous nous en réjouissions car ça signifiait l’été et les longues soirées sur la terrasse. Je me souviens de ces nuits d’été de quand j’étais petite, collée au lit, fenêtre ouverte et pas un souffle d’air. On restait éveillées le plus longtemps possibles avec mes cousines. Mais maintenant quand ça arrive, on a peur, on sait qu’il y aura encore moins d’arbres dans le jardin. Les annonces à la radio nous enjoignent de faire attention, surtout aux vieux et vieilles qui meurent comme les arbres pendant les canicules.

Et surtout, ça se reproduit été après été, en dépassant la barre des 40ºC. Il y a 2 ans, j’ai vu pour la première fois le nord de l’Europe grillé, en Juillet. Nous avions voyagé de Berlin jusque dans le Berry et j’étais terrassée. Les arbres sur le bord des routes aux Pays-Bas étaient brûlés, et partout en Allemagne, en Belgique et dans le nord de la France s’étalaient des champs jaunes et bruns où s’élevaient de mini-tornades. Plus de vert. Pas de pluie. 

On le dit depuis des années que nous allons vivre dans une étuve mais rien ne change, ou si peu. A la marge. La baisse de l’économie durant le premier confinement a été vue comme une catastrophe à laquelle il fallait immédiatement remédier, sans se demander quels ont été les secteurs essentiels. Ceux qui ont périclité, ceux qui ont se sont maintenus ou qui ont proliféré. Faire les comptes et décider de ce qu’on garde et ce qu’on laisse. Évaluer les dépendances et imaginer les chemins de la résilience.

Je suis paléo-climatologue, je reconstitue les climats anciens, comme une archéologue du climat. Je suis au courant que le climat change sur Terre naturellement. Mais on parle aussi de vitesse de changement dans mon domaine. On évalue les changements climatiques sur des périodes de 30 à 50 ans. J’ai 41 ans, donc ma mémoire à partir de mes 8-9 ans est valide en termes de changement climatique. Celle de mes parents et grands-parents encore plus. Nous parlons là de changements très rapides du climat (moins d’un siècle), qui vont s’installer sur la durée, et qui vont affecter la faune et la flore, et nous. 

Je suis paléo-climatologue, je reconstitue les climats anciens, comme une archéologue du climat. Je suis au courant que le climat change sur Terre naturellement. Nous parlons là de changements très rapides du climat (moins d’un siècle)

L’enfer, il est sur Terre, et surtout on le prépare bien gentiment pour nos enfants. Mais qu’est-ce qu’on leur dira pour s’excuser ? Qu’on voulait ABSOLUMENT partir en vacances pour une semaine aux Canaries, qu’il nous FALLAIT cette merde en plastique à la maison, que ce nouveau portable était NECESSAIRE, que cette climatisation était notre SEUL recours contre la chaleur. J’ai entendu Jean Jouzel à la radio hier2. Ce mec est une légende pour une paléo-climatologue comme moi. Il a re-(re-re-re)dit que nous répétons depuis 20 ans (il faut agir maintenant !), et que ce que nous observons a été correctement prédit par les modèles climatiques. Je suis totalement d’accord. C’est même pire : on a sous-estimé l’ampleur des dégâts.

Même si on peut agir à notre échelle (et c’est certainement comme le dit Corinne Morel-Darleux3, la seule façon de rester digne en ce moment), seuls des changements profonds de la structure de notre économie et notre société pourrons permettre à nos enfants de s’adapter. 

Je reprends le micro en ce mois de Mai 2021 pour terminer cette présentation. De récents procès, comme la condamnation historique du gouvernement Allemand le mois dernier4, nos représentants politiques sont en faute, totalement. Ils (elles aussi dans une moindre mesure) ne font pas leur boulot. Il faut arrêter de tergiverser : oui c’est dur mais il FAUT changer, et aider celles et ceux qui sont plus vulnérables, réfléchir aux activités qui sont essentielles (peut être, comme le conseille Bruno Latour en écrivant des cahiers de doléance5). C’est quand même intéressant de noter que la plaie de notre époque c’est le burn-out (brûlé). Tout brûle : la Terre, les arbres et nous, et si ce n’est pas physiquement, c’est mentalement. On continue jusqu’à quand comme ça ?

M’engager dans le collectif « En commun », c’est mettre un premier pied dans la porte, c’est participer à un mouvement qui fait la synthèse entre humanisme et écologie politique et tenter, à mon niveau, de faire bouger les lignes. Berlinoises, berlinois, de cœur ou d’adoption, 

Des sources? 

  1. Les forêts européennes en danger
  2. Jean Jouzel sur France Inter
  3. Corinne Morel-Darleux, notamment son essai „Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce:
  4. Le jugement de la Cour Constitutionnelle allemande obligeant à mettre en oeuvre le plan climat tout de suite, et non dans dix ans
  5. Bruno Latour sur France Inter