A propos de la campagne électorale des conseillers des français de l’étranger

Le fond du problème reste le sens de ce scrutin : le conseiller a peu de pouvoir, mais il a un potentiel.

Beaucoup de listes, fortunées, proclament leur apolitisme pour réduire ce mandat à l’accompagnement clienteliste d’associations, à la population spécifique des expatriés et des consommateurs du réseau d’enseignement français à l’étranger.

Les français vivant les conditions des pays de résidence, de contrat local, de salaire local, dont les enfants, binationaux ou non, visitent les écoles du pays de résidence, sont la majorité des concitoyens à l’étranger. Ce ne sont pas des expatriés, mais des immigrés dans les pays de résidence. Pour eux, le seul rôle que peut jouer pertinemment le conseiller, au delà des coups durs – ou heureux- de la vie nécessitant une aide pour accéder aux services consulaires, c’est un rôle politique de représentation de la communauté dans le pays de résidence.

Il y a des pays où cela n’est pas possible.

Il en est d’autres, tous ceux de l’Union Européenne, où l’embryon juridique de citoyenneté européenne peut servir à faire monter en puissance ce rôle. Ce fut, lorsque j’étais l’un des dirigeants de la fédération des Français de l’étranger du parti socialiste, l’un de mes leitmotiv : nous devons différencier le rôle des conseillers dans et hors de l’UE.

Ces pistes de réflexion à chaud, alors que la campagne s’achève ce soir, et que demain, nous avons le droit de nous exprimer, mais pas sur la campagne elle-même, je les livre ici avant donc la connaissance des résultats. On ne pourra m’accuser de faire dépendre l’analyse du résultat !

Sur l’organisation, catastrophique

La loi votée en 2019 prévoit qu’une campagne électorale officielle s’ouvre 12 jours seulement avant le scrutin.

La loi portant report des élections départementales et régionales de février 2021 a ajouté une semaine par dérogation à cette durée de campagne officielle, tout en laissant les élections consulaires à 12 jours, ce qui est incompréhensible.

Pire: le scrutin électronique est ouvert dès le 4eme jour de la campagne officielle, et se clos à son 9eme jour. En contexte pandémique, les autorités ont mis le paquet sur ce mode de scrutin là, qui exclue environ 30% des inscrits. 13% des français de l’étranger, 18,7% en Allemagne du Nord, ont utilisé cette possibilité. En 2014, seulement 16% des inscrits avaient voté, électroniquement ou à l’urne. C’est dire combien le scrutin électronique est devenu de fait LE scrutin.

Risque des recours partout

Dès lors peut-on s’interroger sur la validité juridique d’une organisation des élections prévoyant seulement 4 jours de campagne officielle.

Cela n’est pas neutre : les listes officielles soutenues par le gouvernement ont commencé la campagne bien auparavant, en s’asseyant d’ailleurs sur les règles établies pour encadrer la propagande électorale à 6 mois d’un scrutin ou sur celles de neutralité de l’Etat. Avec tous les partis de gauche à l’étranger, nous nous en étions ouvert au ministre des affaires étrangères.

Des listes soutenues par un riche milliardaire ont aussi saturé l’espace public que constitue à l’étranger la liste des adresses email des électeurs. C’est que les élections consulaires ne sont pas soumises au contrôle de comptes de campagne…

La campagne officielle enfin n’a pas rempli l’une de ses missions de base : la communication des professions de foi et des bulletins de vote à l’ensemble des inscrits, et non seulement à ceux disposant d’une adresse email. Le processus électoral ainsi dérive vers un modèle censitaire excluant des électeurs de fait, et defavorisant les listes peu fortunées, ou d’opposition. Justement, ce sont souvent les électeurs peu fortunés, d’opposition, qui sont exclus de l’information citoyenne.

En période pandémique, il est incompréhensible que les dérogations appliquées aux élections départementales et régionales n’aient pas été appliquées aux consulaires.

En période de crise démocratique, il est incompréhensible que le temps réel, effectif, d’une campagne soit de 4 jours.

Propositions d’amélioration

Pour respecter l’esprit de la loi, la campagne officielle dans le cas du scrutin électronique devrait être allongée de deux à trois semaines, et commencer au moins 10 jours avant l’ouverture du scrutin électronique.

Alors que 30% des inscrits ne le sont pas pour le vote électronique, qu’un nombre important d’électeurs n’ont pas donné d’adresses e-mail, leur absence du vote est de nature à changer le résultat des scrutins, il est impossible de s’en tenir à une information dématérialisée.

Ensuite, l’usage de la liste électorale électronique doit être plus fortement encadrée dans les 6 mois précédant une élection.

Les règles de neutralité de l’état, de restriction aux communications officielles, doivent être appliquées avec rigueur.

Enfin, il se pose la question d’un contrôle et plafonnement des dépenses pour cette campagne.

Venez voter dimanche partout où la sécurité sanitaire est garantie!

Je souhaite à toutes les listes unies de gauche, les listes soutenues par la Gauche Républicaine et Socialiste, et celles soutenues par la France Insoumise, tout le meilleur dimanche. On s’en rends bien compte à la lecture des sondages français : jamais peut-être il n’a été aussi important que des conseillers politiques, de combat, puis des sénateurs de résistance, soient élus. L’esprit de la République, les conditions même de la vie démocratique ont été profondément abîmées ces 4 dernières années par un pouvoir concentrant toutes les décisions en un seul homme, et ne tolérant aucune opposition réelle. Hier encore, un sénateur vert, une députée Insoumise ont été brutalisées par les forces de l’ordre. Or, si ce pouvoir n’incarne plus rien, il est un bien mauvais rempart à pire. La résistance s’organise dès maintenant. Ce n’est pas le conseiller amiable, associatif, apolitique, qui vous protégera.

Bon vote dimanche.

Mathieu Pouydesseau, membre de la direction nationale de la Gauche Républicaine et Socialiste, tête de liste En Commun pour la circonscription d’Allemagne du Nord.

Gauche Républicaine & Socialiste – Français de l’étranger

En Commun – Collectif Citoyen, Ecologique et Solidaire Allemagne du Nord

La France Insoumise Français de l’étranger

C.I.S.E. – Confédération Internationale Solidaire et Ecologiste